IMMIGRATION : allier humanisme et fermeté.
L’Engagement considère l’immigration sous l’angle de l’accueil et du soutien aux populations en difficultés à travers le monde, en tenant compte des capacités et besoins de la Nation. L’objectif est de faire de l’intégration une de nos forces tout en maintenant notre système social et en préservant la souveraineté nationale au travers de la maîtrise et de la gestion des flux migratoires.
De par ses impacts économiques, sociaux et culturels, le sujet doit être traité de manière concertée et dans le cadre d'un débat public raisonnable, apaisé et sans tabou. L’immigration hystérise aujourd’hui le débat du fait des nombreuses questions et problématiques qu’elle pose à la France :
● l’absence de maîtrise des passages autorisés ou non-autorisés aux frontières, notamment du fait de la signature des accords de Schengen en 1985 et de la disparition des frontières intérieures de l’Union européenne en 1993 ;
● la nécessité d’une force de travail conséquente dans de nombreux métiers dits en tension à deux niveaux, (i) les métiers délaissés car physiquement difficiles, peu gratifiants ou dévalorisés (BTP, hôtellerie, restauration, etc.) et les métiers pour lesquels les filières de formations sont insuffisantes (informatique, ingénierie, santé, etc.) ;
● le risque d’une concurrence sur le marché du travail ou du logement ;
● les difficultés économiques des populations immigrées pouvant conduire à leur stigmatisation, leurs conditions de vie et de travail difficiles, leur exploitation ou leurs actes d’incivilité et de délinquance ;
● une gestion à l’échelle européenne critiquable éthiquement (camps de transit et rémunération de pays et entreprises qui retiennent les migrants), discutable géopolitiquement (utilisation des migrants comme outils de déstabilisation) et largement non démocratique (absence de consensus à l’échelle continentale sur la politique à adopter et décisions prises par l’exécutif européen sans débat préalable au sein des Parlements nationaux) ;
● la volonté d’un retour de l'intégration au sens économique, social et culturel : respect du droit social et familial, respect des comportements individuels et collectifs de notre pays, apprentissage du français, de la culture et de l’histoire de la France et assimilation des valeurs de la République ;
● la différence de culture ou de mode de vie des nouveaux entrants, qui n’est parfois pas conciliable avec la laïcité ;
● le regroupement de certaines communautés (religieuses ou géographiques) ayant tendance à s’autonomiser culturellement, voire économiquement, par rapport à la loi commune de la République.
Si parfois la communauté nationale ressent un « problème », nous constatons réciproquement que les familles issues de l’immigration, françaises ou étrangères, ressentent aussi un problème avec le statut qui leur est assigné :
● la qualité de l’accueil, avec une différenciation de traitement pour le travail ou le logement et des contrôles plus systématiques ;
● la relégation dans des quartiers maîtrisés par les trafiquants de drogue, le grand banditisme ou des fanatiques religieux, avec des logements de moindre qualité et des services publics délaissés.
C’est à l’aune de tous ces sujets que nous devons considérer la situation actuelle pour ce qu’elle est : un phénomène profond et ancien qui a façonné notre pays et notre communauté nationale profondément et durablement.
Enfin, plusieurs directives européennes existent sur l’immigration et pourraient contraindre nos souhaits d’évolution. Nous considérons pouvoir nous en affranchir compte tenu de notre volonté de recouvrer notre souveraineté vis-à-vis de l’Union européenne au travers, en particulier, de la prééminence de la constitution et des lois françaises sur les directives européennes, de la mise en place d’un rapport de force avec la Commission européenne et, si nécessaire, en activant l’option de retrait (opting out).
Une vision pragmatique de l’immigration
Les raisons conduisant une personne à immigrer sont ambivalentes. D’un côté, l’immigration est trop souvent contrainte par les mauvaises conditions de vie dans la région d’origine, dues à un manque de développement économique, à la guerre, à l’absence de démocratie et de plus en plus à cause du dérèglement climatique. D’un autre côté, elle est volontaire car motif d’espoir avec l’opportunité d’avoir un travail rémunérateur (permettant d’aider les proches restés), une éducation pour soi ou ses enfants, etc.
Notre premier objectif est ainsi de limiter les contraintes conduisant à l’immigration tout en évitant de vider les pays d’émigration de leur force vive. Nous voulons ainsi aider les économies locales à se développer et les populations à s’adapter aux conditions environnementales. Nous pensons qu’une partie de la réponse est la refonte de l’aide publique au développement, dont nous voulons la concentration plutôt que le saupoudrage actuel en ciblant en priorité les pays les plus en souffrance, qui génèrent les flux migratoires les plus importants. Nous voulons la coupler à la formation en France d’une partie de la population locale pour répondre aux besoins des pays d’origine (ingénieurs, médecins, professeurs, etc.). Nous ne pouvons pas croire qu’une majorité d’individus préfère quitter son pays, lorsque celui-ci offre de réels espoirs à sa population.
Notre second objectif est de faire bénéficier les migrants de la promesse républicaine et de la solidarité française et que leurs enfants ne grandissent pas avec la sensation d’être à l’écart. Il est essentiel que le nombre d'arrivées soit compatible avec les capacités d’intégration (emplois, logement, formation, etc.), sans que cela se fasse au détriment des individus, français ou non, qui sont déjà sur le territoire national et vivent des conditions parfois très précaires. Nous pensons donc nécessaire d’analyser de manière régulière les capacités d’accueil de la France et, si besoin, de limiter le nombre de personnes autorisées à entrer en France (politique de quota). Nous voulons que la France accueille moins mais mieux.
Au-delà de ces principes généraux, la suite détaille des mesures particulières sur l’immigration régulière et irrégulière.
Clarifier les règles d’immigration régulière
Nous différencions quatre grandes catégories d’immigration régulières :
1. de refuge ou d’asile ;
2. de travail ;
3. de regroupement familial ;
4. d’études.
L’immigration de refuge ou d’asile est liée aux conflits régionaux, aux dictatures ou à la violation des droits humains. Si la France doit accueillir une part des populations impactées, il convient aussi de :
● intervenir au plus tôt et au plus près des zones de tension afin de prévenir et anticiper les crises migratoires plutôt que de les subir ;
● agir en concertation internationale et en transparence avec nos partenaires dans l’objectif d’une juste répartition des efforts à fournir, en matière d’accueil notamment, et en vue d’éviter une instrumentalisation de la crise ;
● accueillir dans les meilleures conditions et, si cette immigration est majoritairement temporaire, mettre en œuvre un contrat républicain (apprentissage de la langue, de la culture, de l’histoire, de la géographie et des institutions, formation à un métier, etc.) pour permettre l’intégration dans la durée d’une partie de la population arrivante.
L’immigration de travail, rendue à nouveau nécessaire faute d’une politique de formation adaptée en France, supplée aux besoins en main d’œuvre de nos entreprises et de nombreux secteurs économiques (agriculture, hôtellerie, restauration, santé ou encore aide à domicile). Dans ce cadre, l’action publique doit s’articuler autour des principes suivants :
● la construction d’une force de travail adaptée aux besoins du pays (adaptation au changement climatique, projets d’infrastructures notamment énergétiques, industrie, agriculture, etc.) avec l’identification des tensions par filière, existantes et à venir, et la mise en œuvre des réponses adaptées, en particulier la formation et les réorientations professionnelles et géographiques seront développées dans le but d’orienter les nouvelles générations vers les métiers qui recrutent et de diminuer le chômage et le besoin de main d’œuvre étrangère. Une conférence nationale sur les salaires dans ces métiers en tension, pour en augmenter l’attrait, est aussi à mener ;
● l’égalité de tous les travailleurs au regard de leurs droits et de la loi. Un étranger qui travaille et cotise bénéficie des mêmes prestations sociales qu’un Français, sans distinction. Les étrangers en situation irrégulière ou en situation régulière mais ne travaillant pas ne bénéficient pas des mêmes prestations sociales. Le cas des travailleurs clandestins est traité dans la suite. Le travail est de plus une condition afin d’acquérir la nationalité française.
Le regroupement familial est déjà limité au conjoint et enfants mineurs et sous certaines conditions (18 mois de présence en France, ressources suffisantes, logement décent), jugés suffisantes.
L’immigration étudiante est encadrée par une condition de ressource (615 € par mois) et l’inscription dans un établissement d'enseignement supérieur ou dans un organisme de formation professionnelle supérieure. Une condition de résultats est ajoutée, sur le passage à l’année supérieure ou l’obtention d’un diplôme sous deux ans (en cas de redoublement).
Enfin, le droit du sol est maintenu mais est complété, pour éviter le caractère systématique, avec le besoin d’une démarche volontaire pour demander la nationalité française.
Circonscrire l’immigration irrégulière
L’immigration irrégulière recouvre deux grandes situations.
La première est l’entrée régulière en France qui amène à une situation irrégulière, par exemple en cas de non renouvellement ou de retrait du titre de séjour conduisant à une obligation de quitter le territoire français. Dans beaucoup de cas, il s’agit d’une absence de renouvellement à cause de retards dans le traitement administratif des demandes. Un renforcement des services des préfectures doit permettre de limiter ces situations.
La seconde concerne l’entrée irrégulière en France, qui est causée principalement par une immigration économique, liée aux graves déséquilibres de développement entre le Nord et le Sud, et entre l’Est et l’Ouest. Elle sera complétée de plus en plus par une immigration climatique avec la dégradation significative des conditions de vie dans plusieurs régions de la planète. Les enjeux humains sont importants du fait de la situation dans le pays d’origine et de voyage avec de sérieux risques de décès. L’objectif principal à poursuivre est donc le développement de l’économie locale, en mobilisant une expertise, des technologies et des entreprises françaises, comme détaillé auparavant. Par ailleurs, afin d’éviter les voyages mortels aux mains des passeurs, deux actions parallèles doivent être menées. Il convient tout d’abord de lutter contre les trafiquants humains qui, profitant des souffrances des migrants, les font voyager dans des conditions inhumaines et au prix d’un sacrifice financier. De plus, les demandes d’immigration vers la France sont favorisées dans le pays d’origine.
Si les personnes sont arrivées sur le territoire français, le respect de notre droit doit primer. Nous pensons en effet que le premier rapport entre un immigrant et la France ne peut pas être le viol de ses lois. Il existe de nombreux critères de régularisation : le regroupement familial, la scolarisation, le mariage avec un français, une maladie grave ou, avec la nouvelle loi sur l’immigration, l’appartenance à une profession stratégique et en sous-effectif critique (en l’espèce les médecins et pharmaciens). L’analyse de ces critères et la position de l’Engagement à leur égard seront faites dans un second temps et en tenant compte de la position définie ci-dessous sur la régularisation des travailleurs étrangers clandestins.
La France compterait plusieurs centaines de milliers de travailleurs étrangers clandestins, dont beaucoup exercent dans des métiers en tension. Compte-tenu du nombre important et de leur contribution à l’économie, l’Engagement est favorable à la régularisation actée par la loi du 24 janvier 2024 pour les étrangers ayant exercé un métier en tension pendant douze mois sur les vingt-quatre derniers mois. Cette régularisation n’est pas systématique et l'autorité compétente prend en compte, outre le parcours professionnel de l'étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l'ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux valeurs et principes de la République. Il ne doit pas avoir de casier judiciaire n° 2. Ces régularisations devraient améliorer les conditions de vie de ces travailleurs tout en ayant des effets bénéfiques sur les finances publiques (impôts, retraite, santé, etc.). Un programme d’intégration spécifique doit être engagé lors de la régularisation c'est-à-dire, en fonction des cas, l’apprentissage du français, un accompagnement administratif, des conditions décentes de vie (logement en particulier) ou encore une formation pour continuer à développer les compétences dans le métier exercé. L’entreprise ayant employé illégalement un clandestin et tiré profit de leur souffrance est sanctionnée par le financement du programme d’intégration. Il doit cependant s’agir d’une vague de régularisation exceptionnelle pour ne pas inciter les entreprises à continuer le dumping social en embauchant des clandestins avec des salaires toujours plus faibles et éviter la création d’une nouvelle filière d’immigration avec des personnes qui seront toujours prêtes à accepter des conditions difficiles de voyage et de travail. De plus, la lutte contre le travail clandestin est renforcée au travers, en particulier, de l’accroissement du nombre d’inspecteurs du travail et de l’aggravation des sanctions envers les entreprises fautives. Pour répondre aux besoins de l’économie française, la première source de main-d'œuvre doit être les individus, français ou non, en situation de chômage sur le territoire national et la formation et l’orientation des nouvelles générations. Ainsi, des actions sont mises en place pour favoriser la mobilité professionnelle (formation, reprise d’études, etc.) et géographiques. En cas d’impossibilité de recrutement local, les entreprises doivent faire appel à une immigration régulière. Des dispositifs pourront être mis en place (paiement du billet d’avion, etc.) pour aider les entreprises et les migrants.
Nous voulons enfin que la présence irrégulière en France entraîne une obligation de quitter le territoire français, et l’application de celle-ci. Moins de 10 % de ces OQTF conduisent à une expulsion effective. Les moyens nécessaires doivent être mis en place, au plan national et par le biais de négociations avec les pays d’origine des migrants expulsés, afin que la loi soit mise en œuvre. Par ailleurs, les mineurs ne sont pas soumis aux OQTF ce qui incite certains migrants majeurs à cacher leur vrai âge. Il n’est plus possible de faire des datations osseuses (directive européenne) afin de confronter les personnes douteuses. Nous proposons de revenir sur cette interdiction si aucune autre méthode fiable n’existe.
Améliorer les conditions d’accueil
Nous ne saurions transiger sur les points de repère qui fondent notre société :
● le respect de la règle républicaine et des devoirs, incarnée par la loi et la sécurité due à chacun et qui fondent le principe de Liberté ;
● l'Égalité de tous les citoyens devant la loi mais aussi en termes d’accès aux mêmes droits, aux mêmes chances, à un revenu décent et aux services publics ;
● la Fraternité qui ne distingue pas les citoyens en fonction de leur couleur de peau, de leurs origines plus ou moins lointaines, de leurs croyances ou de leurs orientations sexuelles.
Afin de garantir le respect de ces trois principes fondamentaux et de celui de la laïcité, une série de mesures apparaît nécessaire.
En premier lieu, la France doit se doter d’un vrai parcours d’intégration, à la fois financé, contrôlé par l’administration et exigeant pour la personne demandeuse, garantissant la connaissance de la langue et la culture françaises ainsi que le respect des institutions républicaines et l’adhésion aux valeurs humanistes et démocratiques nationales.
En second lieu et corollaire de ce parcours, la France doit investir afin d’offrir des opportunités à ceux qui s’en sont donnés les moyens. Cela passe notamment par une meilleure répartition des arrivants sur le territoire et des politiques de la ville, d’aménagement du territoire et du logement pour lutter contre l’enclavement et l’isolement des arrivants. Il convient de plus d’aider les migrants dans leur intégration avec des cours pour apprendre le français, en proposant des formations pour les orienter vers un métier, par un accompagnement dans leur parcours administratif ou encore en offrant des conditions de vie décente, à commencer par le logement.
En dernier lieu, il est nécessaire de conditionner non seulement l’accès aux opportunités, mais celui au territoire national à ceux qui souhaitent s’y inscrire. Cela passe par :
● le renforcement des douanes afin de mieux maîtriser les personnes (et les biens) qui entrent sur notre territoire ;
● les moyens d’expulser dans leur pays d’origine avec rapidité et fermeté ceux qui refusent ou enfreignent les règles. La France doit user de tous les moyens à sa disposition (augmentation ou conditionnement des aides évoquées plus haut, accueil plus ou moins important d’étudiants étrangers, refus de visas, diplomatie, etc.) afin de contraindre les pays d’origine à récupérer leurs ressortissants non admissibles sur le territoire français. L’Engagement se refuse à des dispositifs tels que récemment voté au Royaume-Uni avec le Rwanda. Un renforcement éventuel des aides au départ volontaire est à étudier.
Nous proposons la création d'un ministère de l’accueil (et a minima d'une administration) qui serait chargé de la maîtrise des flux (douanes, quotas, etc.), des conditions d’accueil (y compris la lutte contre le travail clandestin) et de l’intégration des migrants. Nous croyons en la concentration des forces. L’action publique dans le domaine pêche aujourd’hui car trop éparpillée et donc inopérante. Être ferme sans se donner les moyens d’intégrer, c’est refuser l’avenir, intégrer sans fermeté, c’est l’hypothéquer.
Richard Castaing, délégué national immigration
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