L'Extrême droite encouragerait-elle la déforestation ?

Le 19 avril 2023 le Parlement européen a voté le règlement sur la déforestation importée. Le Conseil européen l’a officiellement approuvé le 16 mai 2023 dernier avant d’être publié dans le journal officiel le 9 juin 2023. La position de l'xtrême droite sur cette question est pour le moins ambigüe.

Les entreprises ont pour obligation de vérifier et de publier une déclaration de diligence raisonnable attestant que les marchandises qu’elles vendent au sein de l’Union européenne n’ont pas contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts, dans n’importe quelle région du monde, depuis le 1er janvier 2021. La déforestation englobe la conversion d’une forêt à des fins agricoles, qu’elle soit due ou non à l’humain, ainsi que la conversion des forêts primaires ou des forêts en cours de régénération naturelle en des forêts de plantation. De plus, les entreprises doivent également s’assurer que les produits respectent la législation du pays de production, y compris en ce qui concerne les droits humains et les droits des populations autochtones. Un délai de 18 mois est accordé aux entreprises pour se conformer à ces obligations.

Les produits concernés par la nouvelle législation sont, avec leur part dans la déforestation mondiale :

• le bétail, 5%

• le bois, 9%

• le cacao, 8%

• le café, 7%

• le caoutchouc, 3%

• le charbon

• l’huile de palme, 35%

• les produits en papier imprimé

• le soja, 33%

Les produits qui ont été fabriqués ou nourris à partir de ces différentes marchandises seront également inclus. C’est le cas notamment du cuir, du chocolat ou encore des meubles en bois. Un certain nombre de dérivés de l’huile de palme font également partie des produits soumis à la législation. L’Union Européenne contribue à 16% de la déforestation mondiale importée.

La déforestation se définit comme une diminution de la superficie forestière au profit d’autres formes d’utilisation des terres (pour l’agriculture par exemple) ou à une réduction significative de la couverture forestière. Elle concerne principalement les forêts tropicales et boréales (Afrique, Amérique du Sud, Asie du Sud Est).

La déforestation est l’une des plus grandes causes de l’érosion de la biodiversité. Les forêts abritent plus de 80% de la biodiversité terrestre et 75% des espèces d’oiseaux y trouvent refuge. Les forêts tropicales, les plus menacées par la déforestation, abritent près de la moitié des espèces vivantes animales et végétales, alors qu’elles ne représentent que 6% de la surface terrestre.

La déforestation contribue au dérèglement climatique de deux façons : la première est liée au stockage du carbone grâce à la photosynthèse. Celui-ci est libéré lorsqu’elles sont brûlées ou défrichées. Ensuite la capacité de stockage, dans les arbres et dans le sol est fortement réduite. On estime ainsi qu’environ 12% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle du globe sont dues à la déforestation.

La deuxième provient du dérèglement du cycle de l’eau. Les arbres favorisent les échanges d’eau entre les sols et l’atmosphère et régulent la température et les précipitations. Sur les zones tropicales déforestées on observe une hausse des températures, une baisse des précipitations et dans certains cas l’apparition de sécheresses, alors que ces régions étaient sous un régime de climat tropical très humide. Cet effet local contribue au réchauffement global. Il est maintenant établi que la déforestation entraine la désertification, phénomène accéléré par le réchauffement climatique.

La vie sur terre, qu’elle soit humaine ou non, dépend d’équilibres très fragiles au sein de la biosphère qui se sont construits au cours des millénaires. L’activité humaine bouscule et détruit ces équilibres et met en danger nos conditions d’existence sur la planète. La préservation des forêts partout dans le monde est un enjeu majeur pour notre survie.

L’union européenne est un des principaux acteurs économiques dans le monde. Il est essentiel que les acteurs qui la composent ne contribuent pas à la déforestation, même en dehors de ses frontières. La règlementation votée par l’UE constitue une fragile avancée dans la protection de l’environnement mondial. Elle contribue à préserver les conditions de vie de tous les terriens. Elle renforce également notre souveraineté en instaurant des conditions de protection de l’environnement pour l’importation de produits agroalimentaires comme le soja et le bétail et en s’assurant du respect des droits humains et des populations autochtones. Ce règlement positionne l’Europe à l’avant-garde de la protection de l’environnement Elle peut ainsi se prévaloir d’un cadre juridique offensif qui à la fois prend soin de la planète et protège ses acteurs économiques de pratiques moins disantes qui créent une concurrence déloyale.

Le PPE auquel le RN appartient a déposé 15 amendements pour exonérer certains pays tiers ou certaines entreprises du cadre de ce règlement et en demande le report. Ces propositions pourraient en affaiblir la portée au moment même où s’ouvre la COP29 et qui met en lumière les trop lents progrès de la lutte contre le changement climatique. Ces manœuvres du RN et de leurs alliés européens sont contre productives, que ce soit pour la lutte contre le changement climatique, les droits humains mais aussi la souveraineté de notre pays. On peut alors se demander quels intérêts cherchent à servir ces partis d’extrême droite.