Démantèlement de Fret SCNF : l'État doit reprendre le contrôle.
Le jeudi 21 novembre un appel à la grève a été initié par les syndicats de la SNCF dans la perspective d’un mouvement plus large en décembre. Cette action intervient en réaction à la scission annoncée de Fret SNCF, initiée par l’Etat et normalement effective au 1er janvier 2025.
Le premier effet de ce découpage sera la réduction de 10% des effectifs de Fret SNCF, soit 500 salariés théoriquement replacés ailleurs dans le groupe SNCF. En termes d’organisation, les activités de Fret SNCF seront réparties dans deux nouvelles sociétés conservant les mêmes missions. Hexafret assurera le transport de marchandise et Technis sera tournée vers la maintenance de locomotives.
Pourquoi un tel démantèlement, impulsé par la Commission Européenne en 2023 ? Cette dernière accuse l’Etat Français d’avoir versé à Fret SNCF entre 2005 et 2019 des aides considérées comme contraires au droit européen, pour un montant estimé à un peu plus de 5 milliards d’euros.
Dans ce contexte, le ministre délégué aux transports de l’époque, Clément Beaune, a choisi de négocier un « plan de discontinuité ». La première étape en a été l’ouverture à la concurrence, au premier semestre 2024, des lignes exclusives de Fret SNCF. La destruction de Fret SNCF et la création des deux nouvelles entités début 2025 en constituent la seconde. La dernière sera, dans un an, la privatisation de Rail Logistics Europe. Cette branche du groupe SNCF, propriétaire d’Hexafret et Technis, opère les activités de fret.
Plusieurs signes alarmants du renoncement de l’Etat sont visibles. Celui de la cession au secteur privé du capital de Fret SNCF, alors que, comme dans plusieurs cas précédents (France Télécom, La Poste, etc.), le Gouvernement a toujours promis que “le groupe SNCF reste majoritaire”. Celui de l’investissement dans le fret ferroviaire, alors que Fret SNCF se porte bien financièrement avec plus de 50% de part de marché du fret ferroviaire jusqu’en 2022 et un chiffre d'affaires de 714 millions d’euros en 2023.
Mais depuis quelques années cette filiale rencontre des difficultés structurelles, symptomatiques d’une déliquescence du fret ferroviaire en France :
1. Concurrence avec les trains voyageurs qui monopolisent les rails ;
2. Concurrence avec les autres modes de fret (notamment routier), bénéficiaires de politiques européennes sur les travailleurs détachés leur permettant un « dumping » social ;
3. Sous-investissement et vieillissement du réseau ferroviaire, induisant de nombreuses périodes de maintenance, donc d’indisponibilité, voire même de fermeture de voies ;
4. Alors que le transport ferroviaire présente beaucoup moins de nuisance que d’autres modes de transport (circulation, empreinte carbone), il n’en tire aucun bénéfice direct.
Or, cette scission, imposée par la Commission européenne au mépris de la souveraineté de la France, est contraire aux intérêts français. Elle ajoute, sans justification opérationnelle, un niveau de complexité. Elle traduit un nouveau renoncement de l’État-stratège à son rôle d’aménageur du territoire au profit d’un rôle de comptable. Elle illustre l’incapacité des politiques européennes à sortir de logiques ultralibérales court-termistes privatisant et maximisant les profits au bénéfice du secteur privé et mutualisant les pertes au détriment du secteur public et de l’intérêt général.
Face à ce constat, notre conviction est claire : la France doit avoir un service de fret puissant !
Nous proposons de porter à 25% (contre 9% aujourd’hui) la part du ferroviaire dans le fret français pour 2040. Cette ambition s’inscrit dans un plan global de l’État de maîtrise des émissions de CO2 et de lutte contre le changement climatique. Un tel projet permettrait des coûts d’entretien du rail dilués, plus de fluidité sur les autoroutes en réduisant le trafic des poids lourds, ...
Pour cela, l’État doit se donner les moyens de créer un réseau de qualité en mobilisant des crédits inutilisés européens et des plans de relance et maintenant un service public unifié du fret ferroviaire, quitte à engager un bras de fer juridique et politique avec la Commission européenne.
Victor Richet
Délégué Thématique Energie-Transports
Crédit Photo Thomas Wolf
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