Réforme de l'assurance-chômage
Une pression inacceptable sur tous les salariés, inadaptée à l'objectif du plein-emploi
Prévue pour février 2023, la nouvelle réforme de l'assurance chômage aurait été, il y a peu encore, considérée comme inconcevable pour tout l'arc politique républicain. Et pourtant aujourd’hui, le slogan simpliste « contre l’assistanat » – qui a fait en d’autres temps les beaux jours des libéraux et des conservateurs paternalistes – semble s’imposer comme le mantra de l’exécutif.
De quoi s’agit-il ? Le gouvernement propose de réduire de 25% la durée maximale d’indemnisation chômage tant que le taux de chômage sera inferieur a 9% ou tant qu’il ne se dégradera pas de 0,8% sur un trimestre.
L’objectif affiché de l’exécutif est de « pousser les chômeurs à chercher du travail », mélangeant tous types de chômage, agglomérant chômage longue durée et chômage résiduel, ignorant les disparités géographiques du marché du travail et instillant le jugement que « certains » chômeurs ne souhaiteraient pas vraiment retravailler. Outre le fait que c’est une méconnaissance totale des mécanismes du chômage de longue durée, cette approche est également biaisée dans ses objectifs non avoués. En réalité, il s'agit de faire baisser le cout du travail en incitant les demandeurs d’emplois à accepter les statuts précaires et les contrats courts tout en faisant basculer plus tôt les précaires, les chômeurs longue durée et les séniors sur les minimas sociaux.
Bref, une spirale mortifère et court-termiste, éloignée de la réalité du marché du travail et des chômeurs longue durée, et n’adressant pas pour autant les intérêts des entreprises en termes par exemple de formation, d’accompagnement ou d’attractivité.
En effet, alors que près de 400.000 emplois ne sont pas pourvus, poser la question du temps et du coût des déplacements, des contrats courts et partiels, des temps de césure excessifs dans la journée, des emplois du temps fractionnés, de la formation, du soutien à la création d'entreprise, de la qualité de vie au travail et de la valorisation de certains métiers aurait-été plus efficace pour amener des demandeurs d'emploi vers le travail. A titre d’exemple, il est difficile de trouver un kinésithérapeute, ambulancier, maître d'hôtel, moniteur d'auto-école, aide-soignant, auxiliaire de vie, chaudronnier soudeur, chauffeur... Et que dire du manque d’enseignants et d'infirmiers ? Qu’attendons-nous pour nous attaquer à ces chantiers ? Jouer sur le levier financier ne suffit pas alors que pendant des années certains métiers, et en particulier les savoir-faire industriels, agricoles et artisanaux, ont été systématiquement dévalorisés.
Une nouvelle fois, comme la marque de cet exécutif, cette réforme relègue les partenaires sociaux au rôle subalterne de gestionnaires, et l’assurance-chômage au rang d'aide sociale, alors qu’il s’agit d’un système contributif, d’une assurance mutuelle dont les partenaires sociaux sont les fondateurs et les administrateurs. Les bénéficiaires de l'assurance chômage en sont les contributeurs, aucunement les gracieux bénéficiaires. Ils ne sont en aucune manière les responsables de la situation économique et c'est justement pour cela qu'ils s’assurent ! Concrètement cette mesure consiste à thésauriser des économies budgétaires sur les cotisations chômage, qui elles resteront inchangées, alors que la durée de versement sera réduite.
Rien n'interdit de poser sérieusement la question de l’équilibre économique du système assurantiel relatif au risque de chômage. Rien n'interdit de parler de mécanismes incitatifs au retour à l'emploi en montant et en durée. Des améliorations, des simplifications, des seuils équitables et redistributifs doivent être mis en œuvre. Sans un véritable projet qui tienne compte de la dimension qualitative du travail, cette réforme est un coup d'épée dans l'eau. Elle est inhumaine dans un contexte inflationniste et inadmissible en termes de conséquences sur les salariés involontairement privés d'emploi.
Emmanuel BOUTTERIN
Référent Travail, Emploi & Insertion
Crédit Photo Rafael Juarez / Unsplash
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