RETRAITES, DES ALTERNATIVES EXISTENT : NOS PROPOSITIONS
DE QUOI LA RETRAITE EST-ELLE LE NOM ?
Le système de retraite de base, construit et consolidé plusieurs fois depuis 1946, à la particularité d'être un dispositif fondé sur des principes. Ceux-ci sont issus du Conseil National de la Résistance. Ils sont trois: le principe d'obligation, le principe de répartition des actifs vers les retraités, et le principe de contribution, du fait des cotisations des entreprises, des salariés et des travailleurs indépendants, a la mesure des revenus perçus et de leur durée. On peut ajouter un principe auquel notre pays est unanimement attaché, la solidarité.
Celle-ci est partiellement mise en œuvre envers les personnes n'ayant pas suffisamment cotisé, les salariés couverts par l'Assurance Chômage, les bénéficiaires de l'Allocation Adulte Handicapé, et les personnes ayant bénéficié de congés de maternité.
Dans le contexte de la mobilisation pour la reconstruction du pays, puis de l'essor économique, on peut regretter que le principe redistributif ait été écarté. Cela n'a pas suffi à éviter la création de régimes particuliers, à caractère corporatistes, qui se sont multipliés : artisans, commerçants et professions libérales en 1948, cultivateurs et éleveurs en 1952..., régimes dits spéciaux réservés à certaines professions et entreprises publiques. Des régimes complémentaires - l'Arrco et l'Agirc – gérés par les partenaires sociaux, se mettent en place tout au long des trente glorieuses et deviendront obligatoires en 1972. Cette juxtaposition de régimes différenciés contrevient aux principes de solidarité universelle souhaités à l'origine.
Le régime de base, l’assurance-vieillesse, couvre aujourd'hui neuf Français sur dix. Il y a 21 millions de cotisants et 15 millions de retraités. Il sert de référence aux autres régimes de base ou complémentaires, dits « alignés ». Il est géré de manière tripartite par la Caisse Nationale de l'Assurance Vieillesse (CNAV), par les partenaires sociaux et par l'État, qui en est le garant depuis la réforme constitutionnelle de 1996. Celui-ci crée les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Le Parlement se prononce sur l'évolution, les équilibres financiers et les mesures structurelles du régime. C'est dans ce cadre que le projet de réforme 2023 fait actuellement débat. Celui-ci, ainsi que les réformes « paramétriques » qui l'ont précédé avec plus ou moins de bonheur, visent à la fois :
- à résoudre une équation démographique et économique car le nombre d'actifs baisse par rapport au nombre de retraités,
- et, selon le gouvernement, à avancer vers plus d’universalité et de solidarité.
C'est dans ce contexte qu'il faut examiner ces objectifs, sous l'angle de la solidarité nationale, et de la redistribution, facteurs de réduction des inégalités dans le nouveau contexte économique et social de la décennie.
La voie de l'équilibre et de la pérennité du système des retraites, unanimement souhaités, se trouve dans la construction partagée d’un régime unique pour l'ensemble des actifs, travailleurs salariés et non-salariés, quel que soit leur statut, et qu'ils relèvent du secteur privé ou des fonctions publiques, dans une logique de solidarité qui doit être la même pour tous.
En vertu de cette logique, c'est l'ensemble du système qui doit être repensé. La question à la fois symbolique et sensible des régimes spéciaux de retraite, irritants voire révoltants pour certains et mérités pour les bénéficiaires, doit être posée sereinement et faire l'objet d'un débat national équilibré. A ce titre, l'alignement pour tous des droits familiaux, de réversion et des dispositifs de solidarité est un facteur d'évolution vers l'équité entre les régimes.
La réforme présentée par le gouvernement le 10 janvier 2023 recule l’âge de départ à la retraite à taux plein, qui passe à 63 ans et 3 mois en 2027 à 64 ans en 2030. Elle accélère de fait les effets de la réforme Touraine (2014) qui allongeait la durée de cotisation à 43 ans. Ce mélange entre âge de départ et durée de cotisation est pénalisant pour les personnes ayant commencé à travailler logiquement après leurs études, ou avec des carrières hachées et disparates, c'est à dire la majorité des actifs. Cela ne va pas dans le bon sens.
Une réforme systémique ne peut avoir pour objet unique un report de l'âge de départ. D'autres mesures doivent être promues et notamment la durée de cotisation dans la limite de la réforme Touraine, c’est à dire 43 annuités de cotisation à horizon 2035, et pas avant, et à la condition que la question de l'emploi volontaire des seniors soit réglée avec comme objectif national le plein emploi des seniors qui le souhaitent, la mise en valeur de leur contribution et de leur expérience dans l'entreprise.
Le débat sur la réforme systémique doit être réouvert, cette réforme visant à harmoniser le régime général et les régimes spéciaux, en s’assurant que cette harmonisation ne pénalise pas les salariés actuellement bénéficiaires des régimes spéciaux.
NOS PROPOSITIONS : COMMENT PROMOUVOIR L'EMPLOI DES SENIORS ?
Le Gouvernement propose la possibilité pour les salariés qui cumulent emploi et retraite d’acquérir des droits, ce qui reste à préciser, ainsi que l’élargissement de la retraite progressive.
Ces propositions sont insuffisantes si on souhaite que les personnes de plus de 55 ans puissent choisir d'être maintenues en activité.
L’Engagement avance les pistes et propositions suivantes :
- Alléger les cotisations sociales pour l’embauche d’un salarié de plus de 55 ans.
- Responsabiliser les entreprises en regard du maintien en activité des salariés de plus de 55 ans, en renchérissant le coût de rupture anticipée du contrat de travail, de telle sorte que la collectivité et en particulier l’assurance chômage n’en porte pas la charge.
- A ce titre, le projet d’index senior va dans le bon sens et sa publication doit faire partie intégrante du reporting extra-financier auquel toutes les entreprises de plus de 10 salariés vont être progressivement tenues d’ici à 2028 (transposition de la directive européenne CSRD)
- Dans les zones QPV et ZRR, mettre en place un contrat d’engagement entre l’entreprise et le salarié senior dans le cadre d'un parcours emploi compétence (PEC) en CDI, dédié aux seniors, dans les secteurs marchand et non-marchand.
- Négocier un accord interprofessionnel sur l'organisation du travail pour gérer au mieux les fins de carrière. Il s’agit de permettre aux salariés seniors volontaires de passer à temps partiel choisi en prenant en considération la pénibilité, tout en gardant le seuil d’acquisition des annuités à taux plein, sur le modèle du congé de maternité.
- Dans ce cadre, inciter les entreprises à limiter le fractionnement journalier et le temps partiel subi (dans la distribution, le nettoyage, l’hôtellerie-restauration…), par exemple en majorant le salaire horaire pour tout contrat de travail présentant de multiples périodes de présence dans une même journée, ou en imposant de rémunérer à un taux donné toute période de latence encadrée de périodes de travail.
- Et toujours, inciter à l’emploi en CDI en majorant le coût des CDD, y compris pour l’État qui se permet des CDD multiples de 3 ans, ce qui est interdit dans le privé.
- Enfin, et sans que cette liste soit limitative, étendre le dispositif de retraite anticipée pour incapacité d’origine professionnelle aux salariés touchés par l’invalidité partielle et la pénibilité pour un départ à taux plein à 60 ans.
Les mesures relatives à la pénibilité, présentées le 10 janvier 2023 vont dans le bon sens. On note la création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle pour les métiers comportant des risques ergonomiques, et l'amélioration du compte professionnel de prévention (C2P) notamment en cas de travail de nuit, avec la mise en place d’un congé de reconversion. Il convient cependant d'accompagner massivement les TPE et les PME dans la mise en œuvre de ces dispositifs.
Il faut développer le principe de solidarité en direction des personnes fragiles et des carrières incomplètes subies.
Il faut mettre les petites pensions du régime de base à un niveau décent. La Loi Chassaigne pour les cultivateurs, les éleveurs et les pêcheurs, a fait l’unanimité sur un socle a 85 % du SMIC, compensé par la solidarité nationale, donc hors cotisation vieillesse. Cela prouve que l'unité politique peut voir le jour sur cette question : il faut garantir un minimum de pension pour tous les travailleurs, salariés et non-salariés, à 85 % du SMIC NET sous réserve d'une durée de cotisation dans le métier, ou en tant qu'actif, de 17,5 années. La retraite complémentaire s'y ajoute, à due proportion de la cotisation.
Une règle d'or doit être définie dans le cadre d'une réforme paramétrique entre ce taux minimum de retraite de base à 85 % du SMIC net et le taux maximum à 50 % du PMSS (Plafond Mensuel de la Sécurité Sociale, soit 3666 € en décembre 2022) pour le régime de base doit être maintenu, indexé sur les augmentations légales du SMIC.
Enfin, les retraites complémentaires et supplémentaires obligatoires, y compris celles relevant des régimes spéciaux, doivent être mises à contribution progressive et redistributive à partir de 200 % du PMSS.
Emmanuel Boutterin, référent national emploi/travail
Crédit Photo de Rossella Porta sur Unsplash
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