30 mars 2023 : Conférence d'Arnaud Montebourg à l'UT Capitole
La France vit une période difficile. J’emploie souvent le mot d’ « inconfort ». L’inconfort était un châtiment du moyen âge où on plaçait les condamnés en position de ne pas pouvoir se tenir ni debout, ni couchés.
J'ai un peu l'impression que la France en situation d'inconfort. C'est à dire qu'elle n'arrive pas à se tenir debout, elle n’arrive pas à se tenir couchée, elle ne sait pas exactement comment se placer dans le monde. Pourquoi ? Parce qu'elle n'a pas d'orientation définie politiquement. « Politiquement », cela signifie : fabriquée par la société pour elle-même, pour organiser son propre destin et son chemin. La France n'a pas réussi à trouver son orientation dans le monde actuel. C'est un peu la question du « en même temps », on est en même temps ceci et cela. En fait, nous ne sommes rien.
Le Général de Gaulle avait dit les choses très clairement, c’était carré et tout le monde suivait. François Mitterrand, à sa manière, avait défini ce que devait être la France, dans sa vision du modèle social, de son orientation géopolitique, du non-alignement, qu’il avait repris des mains des véritables gaullistes.
A marche forcée, l'Union européenne nous a emmenés là où ne nous voulons pas être. Le peuple français n’a jamais été d'accord avec le projet européen. Le Traité de Maastricht a été adopté de justesse en 1992, et en 2005 le Traité Constitutionnel a été rejeté à une large majorité, vote bafoué ensuite par nos dirigeants. De fait, nous n’avons pas de projet rassembleur.
Le problème fondamental de notre pays est que nous sommes originaux. Nous sommes un peuple égalitaire, pas égalitariste, dans un monde totalement libertaire. Nous avons un modèle social généreux dans un monde de plus en plus anti-social. Nous avons un modèle environnemental qui n'arrive pas à s'exprimer dans un monde dans lequel les questions climatiques aujourd'hui ne sont absolument pas traitées. On peut bien combattre les méga-bassines, les sapins de Noël, le Tour de France ou tout ce qu’on veut, mais pendant ce temps-là Chine et ses satellites construisent 638 centrales à charbon. Et la Chine continuera, parce que tous les Français consomment des produits chinois. C’est cela qui ne va pas et qui motive mon indignation constante.
En résulte un déficit commercial de 150 milliards d'euros. En soit c’est effarant, et la comparaison avec les autres pays européens est catastrophique. L'Espagne, la Roumanie, la Grèce, qui étaient les lanternes rouges des déficits extérieurs européens, ont rétabli leur situation beaucoup mieux que nous. Sur les 9000 produits que nous consommons, il y en a 6300 sur lesquels nous sommes dépendants du reste du monde. Cela veut dire que nous sommes en situation de perte de liberté. Nous consommons les produits fabriqués par les autres. Nous travaillons pour acheter aux autres. Tous les ans, nous faisons un chèque de 35 milliards aux Chinois, 50 milliards aux Allemands, 20 milliards aux Italiens. Les Italiens sont en excédent de 65 milliards. Les Allemands ont un excédent de 150 Milliards et nous, un déficit de 150 Milliards. Les créanciers de la France tiennent notre pays car nous ne produisons plus ce que nous consommons. Nous avons laissé déménager nos usines et ceux qui les ont rachetées n'ont aucune raison de laisser sur le sol français. Même les sièges sociaux et les centres de recherche ont été déménagés. Je suis allé à Belfort pour contempler les dégâts quelques années après l'affaire ALSTOM, les brevets sont paris, l’usine est coupée en deux, 700 personnes ont été mises sur le carreau qui tentent de monter des startup. Nous importons plus d’acier que nous en produisions avant la fermeture des hauts-fourneaux lorrains, et cet acier est plus cher que celui que nous produisions à l'époque. C’est la réalité.
Cela s’est produit dans toutes les régions françaises, dans tous les secteurs. Une récente note de commissaire au plan, Monsieur François Bayrou, explique que dans de nombreux domaines et de nombreux territoires, nous sommes dans une situation comparable à celle d'un pays en voie de développement.
Les agriculteurs ne peuvent plus vivre de leur travail, ils s’appauvrissent et en conséquence, ils vendent au plus cher. Nous assistons aujourd’hui à des prises de possession de terres qui deviennent des réserves pour la Chine en cas de disette, parce que la Chine se souvient de sa famine. Nous, on l’a oubliée, mais ça pourrait revenir.
Nous ne sommes plus en situation de pouvoir financer par nous-mêmes nos propres besoins, nos propres désirs ou même nos propres valeurs. Le modèle social, la santé gratuite, l'éducation gratuite, tout cela est fondamental, c’est ce qui fait la grandeur de la France. Mais qu'est ce qui va se passer quand on ne pourra plus payer ?
Il faut tout mettre en œuvre pour éviter que nos terres agricoles, nos vignobles, nos PME ou ETI détentrices de brevets et d’outils productifs passent sous contrôle étranger. Il faut relocaliser sur le sol français120 milliards de chiffre d'affaires, parce que sinon, nous ne pourrons plus payer. Nous n'avons pas d'autre choix si nous ne voulons pas devenir dépendants des créanciers privés.
Voilà en quelques mots l'état de la situation profonde du pays. Je ne suis pas inquiet, parce nous avons les ressources, les talents, les potentiels, mais il va falloir se mettre au travail.
Qu’est-ce que cela veut dire : « se mettre au travail » ?
69 % des Français en âge de travailler sont actifs. En Allemagne, ce taux est 76%. D'où le contresens de la réforme des retraites. Cette réforme est absurde, puisqu’on demande à des gens qui travaillent déjà de travailler plus alors qu’il faudrait donner du travail à ceux qui n’en ont pas. Il manque deux ou trois millions d'emplois productifs dans l'industrie, dans l’agriculture, dans d’autres secteurs. C’est cela qui nous permettrait de remonter le niveau de production par rapport à ce qu'on consomme.
Ce qui attend aujourd'hui la société française, c'est cette bascule-là, c’est la transformation de notre économie vers un système productif raisonné, protecteur des travailleurs comme de l’environnement, générateur de richesses dont bénéficieront tous les citoyens dans tous nos territoires.
C’est notre programme, c’est ce souverainisme, lucide, réaliste, éclairé, que nous ne devons plus hésiter à revendiquer, qui constitue le socle de notre projet, et auquel je vous invite à contribuer.
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