TotalEnergies et le climat : fer de lance ou agent double ?
TotalEnergies, héritière de la Compagnie Française des Pétroles, est un des principaux énergéticiens mondiaux, principalement dans le domaine des énergies fossiles. Cotée primairement à la Bourse de Paris dont elle constitue la deuxième capitalisation, son siège social est à La Défense et elle emploie environ 25'000 personnes en France soit un quart de ses effectifs.
La commission d’enquête parlementaire sur les « moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques de la France et ses orientations de politique étrangère » a récemment auditionné M. Patrick Pouyanné, P.D.G. du groupe.
La stratégie de TotalEnergies prend-t-elle en compte et respecte-t-elle les obligations climatiques de la France et ses orientations de politique étrangère ?
« On n’est pas pires que les autres » et « si on fait ce qu’on fait, c’est avant tout pour répondre à la demande ». Telles ont été en substance, les réponses apportées par M. Pouyanné, à la question posée par la commission d’enquête.
Effectivement, TotalEnergies occupe plutôt le haut du classement des majors pétrolières vis-à-vis des investissements dans la transition énergétique et il n’y a aucun doute sur le fait que la demande en pétrole, gaz et autres hydrocarbures n’est pas prête de s’estomper.
Mais malheureusement pour M. Pouyanné, ce n’était pas exactement la question posée.
TotalEnergies est-elle toujours une entreprise française ?
En filigrane de l’audition s’est progressivement imposée une autre interrogation : TotalEnergies est-elle aujourd’hui une entreprise française ? Et donc selon le point de vue adopté, est-ce à TotalEnergies de composer avec les obligations climatiques de la France en termes énergétiques ou est-ce plutôt à la France de composer avec la stratégie de Total, entreprise multinationale ?
Malgré les éléments de langage très bien rodés auxquels M. Pouyanné eut recours pour éluder cette interrogation – comme il sut aussi le faire lorsque furent abordées les questions climatiques, les questions éthiques (l’Ouganda) ou géostratégiques (la Russie) -, ses réponses ont fait très clairement pencher vers la deuxième option.
Il en résulte que s’il est vrai que TotalEnergies reste un atout pour la France, comme s’en est fait l’écho la presse libérale, il n’est plus possible, ou ce n’est plus suffisant en l’état actuel des choses pour considérer TotalEnergies comme un élément-clé de la stratégie de décarbonation française – si tant est que cela ait déjà été le cas.
TotalEnergies : une multinationale dont le centre de gravité et les intérêts basculent vers les USA.
Il est en effet clair que le groupe a défini sa propre stratégie, ajustant ses effectifs français et sa position dans notre pays en fonction de ses intérêts spécifiques et de ceux de ses actionnaires – aujourd’hui presque majoritairement américains.
Car, comme l’a affirmé M. Pouyanné, « il faut que je partage avec mes actionnaires » et si « la base d'actionnaires européens de TotalEnergie diminue (…), c’est largement à cause des réglementations et de la pression qui est faite sur eux ». Il souligne de plus que « nous avons perdu 7 % d'actionnaires français au cours des dernières années (…) et à l'inverse les actionnaires américains achètent notre action et la part d’actionnariat institutionnel américain est passé de 37 à 47 %. ». Un examen plus poussé des documents réglementaires (notamment Document d’Enregistrement Universel) de TotalEnergie identifie la répartition suivante à fin 2023 :
Point-clé, l’Etat français n’apparaît plus dans le capital du groupe (alors qu’il détenait encore 34 % de la Compagnie française des pétroles en 1992). Un seul actionnaire déclare aujourd’hui détenir plus de 5% du capital, il s’agit de la société d’investissement américaine BlackRock (6,5%).
Il est aujourd’hui envisageable que TotalEnergies fasse pression sur notre gouvernement en menaçant de transférer son siège social aux Etats-Unis (il étudie aujourd’hui le transfert de sa cotation principale de la bourse de Paris à celle de New York), à l’instar du groupe ASML qui a utilisé ce moyen pour obtenir des concessions du gouvernement des Pays-Bas.
Ce ne serait qu’une demi-surprise. Rappelons que TotalEnergies n’a pas payé d’impôts sur les sociétés en France en 2022 et localise en France ses activités de R&D profitant des dispositifs gouvernementaux, notamment le Crédit Impôt Recherche - CIR.
TotalEnergies : un atout illusoire de la France dans son objectif de décarbonation de l’économie.
A l’heure d’un actionnariat de plus en plus américain et d’une dépendance toujours plus forte au gaz liquéfié venu d’outre-Atlantique, attendre de TotalEnergies qu’elle joue de sa propre initiative un rôle dans la décarbonation de la France au-delà du respect de ses obligations légales semble donc une véritable gageure.
C’est vrai du point de vue environnemental (chacun sait l’engagement des USA en la matière), cela l’est bien plus encore du point de vue de la souveraineté de notre pays : les exemples malheureux de Technip et d’Alstom Energie sont là pour nous rappeler ce que deviennent nos champions tricolores lorsqu’ils sont passés sous bannière étoilée !
Victor Richet
Commission Environnement-Agriculture
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