PPE 3 : la France engage son avenir énergétique
La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) trace la route énergétique de la France à horizon 2050. Elle fixe les priorités stratégiques pour sécuriser l’approvisionnement, maîtriser les coûts de l’énergie et accélérer la transition bas carbone. Elle est révisée périodiquement, tous les cinq ans.
Inscrite dans le cadre de la loi Énergie-Climat (depuis 2019) et du paquet européen « Fit for 55 », cette troisième Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE3) (2025-2035) fait l’objet d’une consultation publique depuis plusieurs années, et va désormais suivre un cursus parlementaire, avec un débat prévu à l’assemblée nationale à la fin du mois d’avril, puis au Sénat le 6 mai.
La nouvelle PPE3 fixe pour la période 2025‑2035 une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions de gaz à effet de serre, visant à ramener dans la consommation d’énergie finale (c’est à dire l'énergie livrée au consommateur final pour satisfaire ses besoins : carburants à la pompe, électricité chez soi, etc.) la part des énergies fossiles de 60 % aujourd’hui à 42 % en 2030 puis 30 % en 2035.
Quatre priorités pour transformer la consommation d’énergie en France
La PPE3 s'articule autour de quatre axes majeurs :
- Sobriété énergétique : encourager citoyens, entreprises et collectivités à consommer moins ;
- Efficacité énergétique : optimiser l’usage de l’énergie dans les secteurs clés (bâtiment, industrie, transport) ;
- Développement du nucléaire : pilier de la production d’électricité décarbonée ;
- Montée en puissance des renouvelables : diversification et sécurisation des sources d’énergie.
L’objectif est clair : la réduction drastique de la consommation d’énergies fossiles passera par une électrification des usages (transports, chauffage, industrie, etc.) grâce à une électricité décarbonée. En complément, une certaine sobriété est promue pour favoriser cette transition, en parallèle de gains d’efficacité attendus dans certains secteurs.
Des usages électrifiés et décarbonés : Remplacer les combustibles fossiles par de l’électricité
Par ailleurs, s’agissant de la consommation d’énergies finales fossiles, il est prévu que le charbon soit quasiment éliminé des usages énergétiques d’ici à 2027. Seul un volume résiduel dévolu à des usages non énergétiques devrait subsister, par exemple pour la sidérurgie (15 TWh en 2035).
Le gaz fossile devra quant à lui voir sa consommation chuter de 37 %, et celle du pétrole de plus de la moitié d'ici à 2035.
Pour compenser ces diminutions, la PPE3 prévoit une accélération de l’électrification des usages (véhicules électriques, production de chaleur, procédés industriels, etc.) mais également le développement de substituts décarbonés, avec notamment : +50 % de production de biogaz d’ici 2030, le doublement de la production de biocarburants d’ici 2035, et une multiplication par 16 de la production d’hydrogène décarboné (partant d’une production initiale en 2023 nulle).
Une évolution du mix électrique pour répondre aux besoins prévisionnels
L’accélération de l’électrification des usages implique également une réévaluation du mix de production électrique. La PPE3 acte une relance du nucléaire et un essor sans précédent des énergies renouvelables.
Côté nucléaire, il est prévu le maintien de 57 réacteurs en service à horizon 2035, ce qui correspond au parc actuel incluant Flamanville 3, avec 360 TWh de production moyenne annuelle (objectif EDF porté à 400 TWh). En outre, il est confirmé un programme de construction de 6 réacteurs de type EPR 2, qui sera porté par EDF.
Côté renouvelables, les objectifs de croissance à 2035 sont ambitieux : augmentation d’environ 11 % (25,9 GW → 28,7 GW) de la capacité installée pour l’hydroélectricité, de 80 % pour l’éolien terrestre (22 GW → 40 GW), une multiplication par plus de 3 pour le photovoltaïque (19,3 GW → 65 GW) et par 20 pour l’éolien offshore (0,86 GW → 18 GW).
Le tableau ci-dessous dégage les grandes lignes, par source d’énergie, des évolutions entre la PPE 2 et la PPE 3.
Source d’énergie | Objectifs PPE2 (2028) | Objectifs PPE3 (2035) | Commentaires / Évolution |
---|---|---|---|
Nucléaire | Fermeture de 4 à 6 réacteurs, 50 % du mix électrique en 2035, Pas de nouveaux projets | 360 TWh visés (400 TWh ambition EDF), Lancement de 6 nouveaux EPR2 | PPE3 relance activement le nucléaire avec une ambition plus claire et la stabilisation du parc existant. |
Solaire | 35,1 à 44 GW installés ~60 TWh produits | - 65 à 90 GW installés ~92 à 110 TWh produits | Objectif plus que doublé, accent sur agrivoltaïsme, toiture et appels d’offres renforcés. |
Éolien terrestre | ~35 GW installés ~72 TWh produits | 40 à 45 GW installés ~91 à 103 TWh produits | Croissance continue. Appels d'offres constants avec intégration d’un appel d’offre technologique neutre. |
Éolien en mer | 5,2 à 6,2 GW installés ~30 TWh produits | 18 GW installés Objectif de 26 GW attribués d'ici 2035 ~71 TWh produits, En 2030, 3,6 GW installés pour 14 TWh produits | Accélération très marquée. Ambition multipliée par 3, notamment avec l’éolien flottant. |
Hydroélectricité | - 26 GW installé (avec STEP) ~50 TWh produits (hors STEP) | - 29 GW installé (avec STEP) ~54 TWh produits (hors STEP) | Ambition de mieux piloter les centrales hydroélectriques pour maximiser leur production. |
Chaleur renouvelable | 218 à 247 TWh | 328 à 421 TWh | Objectif quasi doublé. Gros effort sur PAC, biomasse, géothermie et réseaux de chaleur (fig. 18 du rapport) |
Biogaz / gaz verts | 24 à 32 TWh (14-22 injectés) | 50 à 85 TWh (dont 44 injectés) | Triplement possible. Introduction de certificats de production de biométhane pour soutien extrabudgétaire. |
Pétrole / carburants | Réduction de 34 % conso : 570 TWh prévus en 2028 Biocarburants avancés : 5 TWh | 70 à 90 TWh de biocarburants (transport et hors transport) | Très fort développement attendu des biocarburants. Réforme du système TIRUERT vers réduction d’intensité carbone des carburants. Pour partie les matières premières seront importées |
Charbon | Sortie d’ici 2022 pour l’électricité Maintien sidérurgique | - Zéro usage énergétique prévu (maintien sidérurgique) | PPE3 confirme les objectifs de la PPE2. |
Gaz naturel | - 22 % consommation primaire | baisse de consommation primaire de 13 % en 2030 et de 37 % en 2035 | Un effet falaise prévu entre 2030 et 2035. |
Hydrogène / PtG | R&D et pilotes seulement | Jusqu’à 8 GW d’électrolyse installée 16 à 40 TWh produits | Montée en puissance prévue |
La PPE3 consolide donc le retour du nucléaire (scénario central à 360 TWh/an, ambition EDF à 400 TWh, 57 réacteurs en service) et revoit à la hausse l’éolien terrestre (20 GW actuellement, environ 40 à 45 GW prévus en 2035), le photovoltaïque (20 GW actuellement, 65 à 90 GW en 2035) ainsi que le développement de l’éolien en mer (passage d’environ 1 GW installé actuellement à 18 GW en 2035). A noter aussi une ambition forte en termes de chaleur renouvelable et en biocarburants.
Une trajectoire de sobriété et d’efficacité énergétique ambitieuse : Consommer moins d’énergie
En complément de cette politique radicale d’électrification et de transformation du mix électrique, pour répondre aux enjeux de sobriété, la consommation d’énergie finale doit donc passer d’environ 1500 TWh en 2023 à environ 1100 TWh en 2035, soit une baisse d’environ 25 %.
Cette baisse de consommation d’énergie passera, pour partie, par une meilleure efficacité lors de son utilisation : on parle d’efficacité énergétique. L’amélioration de l’efficacité énergétique constitue un enjeu majeur, qui sera adressé au travers plusieurs mécanismes figurant dans la directive “efficacité énergétique” de l’Etat :
- des rénovations des bâtiments publics pour un meilleur niveau de performance énergétique ;
- des audits énergétiques des entreprises les plus énergivores ;
- cogénération des centres de données consommant plus de 1 MW ;
- la poursuite de la campagne de sensibilisation aux éco-gestes ;
- l’accompagnement des particuliers dans leurs travaux de rénovation ;
- l'électrification des usages pertinents (automobile entre autres).
L’efficacité énergétique s’appuiera également sur l’approfondissement des politiques publiques d’ores et déjà mises en place (isolation thermique des logements les plus énergivores, incitatifs à la substitution de véhicules thermiques par des véhicules électriques - dont le moteur présente un rendement nettement supérieur, etc.).
En parallèle, les enjeux de sobriété énergétique (une diminution nette de sa consommation) sont également abordés dans la PPE 3, via des incitatifs visant à pérenniser les nouvelles habitudes mises en place lors de la crise énergétique de 2022-2023. Les propositions sur ce volet sont plutôt de l’ordre de campagnes de communication visant à promouvoir des éco-gestes, aux économies d’énergie, etc. Des programmes dédiés, financés par les Certificats d’économie d’énergie (CEE), sont également prévus.
Ces éléments, tant sur la politique d’efficacité et sobriété que d’évolution du mix électrique, feront l’objet d’une analyse critique dans une prochaine note de l’Engagement.
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