PPE 3 : Une nécessaire réorientation des débats ?
Récemment, l’Assemblée nationale fut le siège de houleux débats concernant le futur mix énergétique de la France, dans le cadre du PPL Gremillet.
Parmi les thèmes abordés, les médias et le grand public ont pour l’essentiel retenu celui de l’éternelle bataille entre les sources de production d’électricité nucléaire ou renouvelables intermittentes. En point d’orgue : la suppression de toute mention du nucléaire lors de l’examen de la loi en commission et l’ajout d’un moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque lors du vote en séance plénière. De même, le vote d’un amendement surréaliste pour le redémarrage de la centrale nucléaire de Fessenheim, arrêtée souvenons-nous à la suite d’une décision purement politique, se passe de commentaires.
Résultat : la loi ne fut in fine pas votée, et la proposition renvoyée au Sénat pour une seconde lecture.
Quelques réflexions à la suite de cet épisode tragi-comique de notre vie parlementaire.
Une occasion gâchée d’un débat parlementaire pourtant nécessaire.
De nombreuses voix s’étaient, à juste titre selon nous, élevées contre la volonté de l’exécutif de promulguer la PPE3 sous forme de décret. Un débat, tant parlementaire que sociétal, semble en effet indispensable pour traiter la question. Pourtant l’occasion qui fut récemment offerte aux parlementaires se solda par un immense gâchis.
Elle eut tout de même l’intérêt indéniable de mettre en lumière l’incompétence technique de la part de certains d’entre eux. Pis, certaines franges de l’Assemblée semblèrent à cette occasion se saisir du sujet avec un prisme purement politicien, peut-être avec l’objectif de faire tomber le gouvernement Bayrou à l’issue de diverses manœuvres. Une instrumentalisation d’un sujet régalien, à des fins populistes et électoralistes, et ce aux dépens du bien commun.
En tout état de cause, cette discussion fut simplement une tribune populiste de la part de certains députés. L’Engagement déplore vivement la faiblesse avec laquelle nos représentants se sont saisis d’un sujet aussi structurant pour notre futur collectif.
Il apparaît désormais évident que le débat “production d’électricité d’origine nucléaire versus renouvelables” entraîne et entretient une opposition stérile entre deux sources de production d’électricité certainement pas exclusives. Une telle cacophonie et gaspillage d'énergie détourne des enjeux réels d'industrie, d'emplois, etc… L’Engagement réitère avec force que ces deux sources de production d’électricité sont complémentaires et se doivent de faire l’objet d’investissements publics, l’une comme l’autre.
Autour de quel(s) axe(s) structurer le débat ?
Pour autant, le projet de PPE3 initial établi par le gouvernement contient de nombreuses propositions intéressantes concernant d’autres sujets, qui nécessiteraient de véritables débats pour susciter l’acceptation des citoyens.
Ainsi, la production annuelle prévue pour le biogaz dans le projet de PPE3 pourrait atteindre environ 80 TWh par an en 2035 ; de même pour les biocarburants (borne haute des prévisions). La quantité d’énergie produite par ces sources serait alors du même ordre de grandeur que l’électricité photovoltaïque, l’éolien terrestre et l’éolien maritime (en tenant compte d’un facteur de charge optimiste pour ce dernier poste). De surcroît, l’atteinte de ces objectifs impliquerait un taux de croissance annuel soutenu pour le biogaz et les biocarburants, au moins du même ordre de grandeur que pour les sources d’électricité intermittentes.
Ces objectifs semblent ambitieux à ce stade et nécessiteront un certain nombre d’efforts pour être atteints. Aussi, pour l’Engagement, il conviendrait que le débat se focalise davantage sur les problématiques associées à la production de ces sources d’énergie, en complément du sempiternel « nucléaire versus renouvelables intermittents ». En effet :
- l’utilisation de biogaz et de biocarburants permettent une décarbonation relativement rapide de postes coûteux et avec une inertie importante (chauffage, transports difficilement électrifiables, etc.). Il est donc nécessaire de les valoriser au mieux ;
- les enjeux associés semblent a minima au moins aussi fondamentaux que ceux associés à la production d’électricité. Sans prétendre à l’exhaustivité, il convient que la société s’intéresse par exemple à la question de la soutenabilité des ressources, aux modalités de financement (notamment dans un cadre budgétaire contraint), à la qualité environnementale des produits, à la gouvernance de la filière (tenant compte du rôle des PME agricoles ou des grands groupes pour assurer la production), à l’entretien et la construction des réseaux de gaz nécessaires, à l’acceptabilité sociale des méthaniseurs, aux conflits d’usage de l’agriculture pour les biocarburants, etc.
Sans débat et éclairage du public sur ces questions, le risque serait d’aboutir à un rejet massif des choix proposés. Pourraient alors s’ensuivre une critique massive des gouvernants et une montée accrue des extrêmes, suscitée par ce rejet.
L’éléphant dans la pièce.
Ce même prisme nous amène à déplorer l’absence de débat et de propositions au sujet de l’éléphant dans la pièce : la sobriété. Le projet de PPE3 dans sa forme actuelle vise en effet à atteindre une consommation d’énergie finale en 2035 d’environ 1100 TWh… Soit environ 400 TWh de moins que la consommation d’énergie finale actuelle. En toute logique, ce devrait donc être le premier poste sur lequel débattre et informer. Bonne nouvelle, car c’est également le moins technocratique et le plus aisément compréhensible !
Conjugué avec l’augmentation de l’efficacité de notre consommation énergétique, nous pourrons atteindre - peut-être - nos objectifs de décarbonation.
Du courage politique, de l’honnêteté nourrie par de la compétence technique.
Si les parlementaires veulent être à la hauteur du moment et des enjeux, il apparaît nécessaire qu’ils se saisissent réellement des enjeux techniques en jeu. Si nul n’est censé ignorer la loi, nul ne devrait ignorer ses conséquences pratiques une fois votée, au risque de passer pour insensé ! Et ce d’autant plus que les sources d’informations techniques, sur ces sujets, ne manquent pas !
Pire, les organes de l’Etat traitant de ces questions ne semblent pas être en capacité, à date, de réagir (OPECST pour le Parlement, DGEC, etc.) …
Quoi qu’en disent les politiques, une chose et une seule reste assurée : les lois physiques priment sur les lois humaines. Pour le succès des armes de la France, nos parlementaires se doivent de tenir compte de ce paradigme.
En attendant, ni décret ni loi ne sont publiés à ce jour. Les appels d’offres publics ne sont pas lancés, et les canicules n’en finissent pas d’arriver…
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